Cinq questions à Jonathan Légaré

Chaque mois, nous faisons connaissance avec une professionnelle ou un professionnel de l’éthique et de la conformité. Aujourd’hui, nous vous présentons Jonathan Légaré, fondateur et PDG de Vidocq.

Cette compagnie canadienne reconnue propose des services en gestion des risques d’entreprise et de réponse aux incidents en ce qui a trait notamment à la criminalité financière, aux vérifications de tiers, à la cybercriminalité, aux risques géopolitiques, à la gestion de crise et à la conformité réglementaire.

Avant de lancer son entreprise , Jonathan a forgé son expertise en tant que membre de la GRC, se spécialisant en criminalité financière, et comme chef d’équipe aux enquêtes pour la renommée Commission Charbonneau. Aujourd’hui, il chapeaute le travail de Vidocq à New York, Montréal et Toronto, faisant de cette entreprise discrète une force silencieuse au service d’une clientèle prestigieuse.

1. Qu’est-ce qui vous a attiré vers une carrière en éthique et conformité?

Je n’ai jamais envisagé ma carrière sous l’angle de l’éthique et de la conformité. Ma trajectoire professionnelle chez Vidocq m’a immergé dans ce monde par nécessité, alors que je devais prodiguer des conseils sur des enjeux pouvant être en lien avec l’éthique en entreprise. En réalité, je me considère comme davantage engagé dans une carrière axée sur la gestion des risques et la conformité.

2. Quel est la personne ou le livre qui vous inspire ou qui a marqué votre parcours?

Mon parcours a été façonné par un éventail d’influences plutôt que par une personne ou un livre. Il y a une tendance en affaires à rechercher des gourous, à s’accrocher à chaque parole d’un conférencier vedette, à laisser un balado populaire ou un TED Talk dicter la direction de sa carrière.

J’ai appris tout autant sinon plus des interactions quotidiennes avec mes proches, collègues et clients ainsi que de mes lectures et écoutes diverses que des grands noms du monde des affaires. Il faut un dosage de curiosité, de scepticisme et d’ouverture vers les idées nouvelles et marginales.

3. Quels sujets considérez-vous comme incontournables en éthique?

Je surveille attentivement l’évolution de la responsabilité sociale des entreprises. Nous assistons peut-être à la fin d’une époque où l’entreprise se pose comme une autorité morale – et il est temps! Les entreprises ont sans aucun doute un rôle à jouer en matière de responsabilité sociale, mais les présenter comme des gardiennes de la moralité est à mon sens à la fois dangereux pour la société et risqué pour celles-ci.

Je dirais que nous devons faire preuve de vigilance face à la tentation du purpose washing et du capitalisme conscient, qui peuvent servir à masquer des pratiques moins éthiques. L’éthique doit être concrète et authentique, pas seulement un vernis marketing. C’est trop souvent le cas, ici comme ailleurs.

4. Quels sont les enjeux en éthique et conformité qui vous inquiètent?

C’est l’augmentation globale des coûts liés à l’éthique et à la conformité qui m’inquiète le plus. Les entreprises sont confrontées à des obligations croissantes qui, bien que souhaitables, représentent souvent des coûts substantiels. Tout le monde se refile la facture.

Le filet réglementaire se densifie et s’étend constamment. Que ce soit en protection de la vie privée, en cybersécurité, en lutte au blanchiment d’argent, en éthique, en développement durable… Tout cela a un coût et une incidence sur la compétitivité du marché. En période d’inflation persistante, c’est le genre de choses qui m’inquiètent. Nous semblons vouloir tout faire sans nous soucier des coûts, comme si les ressources étaient illimitées.

5. Quel est le meilleur conseil qu’on vous a donné?

De cultiver un scepticisme sain, d’interroger, de douter, de chercher à comprendre en profondeur avant d’accepter quoi que ce soit comme une vérité incontestée. Aujourd’hui, à une époque où l’information circule à une vitesse vertigineuse et où notre capacité d’attention diminue, ce conseil est plus pertinent que jamais. Je le transmets volontiers, car je ressens qu’il y a beaucoup trop de crédulité en éthique et conformité ainsi que dans le monde des affaires en général.